Samedi 18 juin, Journée d’hommage à Lamine Dieng

Journée d’hommage à Lamine Dieng
15 ans de lutte contre l’État : vérité rétablie, dignité rendue et mémoire gardée
Après 15 ans de combat, le comité vérité et justice pour Lamine Dieng vous invite à une journée d’hommage, de débats et de formation.
Le 18 juin 2022 à partir de 13h
Place Carmen 75020 Paris
Projection – Ateliers – Témoignages – Moment d’hommage – Stands – Cantine – Open mic
Il y a 15 ans, notre fils, frère, oncle, ami, Lamine Dieng mourait à quelques pas de la maison familiale, des mains de 8 policiers parisiens.
Depuis, nous, parents, amis et soutiens avons affronté 10 longues années de procédures judiciaires afin de faire reconnaître la culpabilité de ces 8 agents pour le lynchage de Lamine.
Dix ans qui ont débouché sur un non-lieu définitif par la juridiction française en 2017, ceci alors même que les expertises médicales concluaient à l’asphyxie mécanique par ces policiers en tant que cause du décès.
En 2018, la famille a poursuivi son combat pour la vérité et la justice en amenant le dossier devant la Cour européenne des droits de l’Homme.
Et en juin 2020, après 13 ans de confrontation judiciaire, l’État français a été obligé de reconnaître la torture infligée à Lamine et le crime :
Oui, ses policiers ont violé l’art. 2 de la Convention sur le droit à la vie.
Oui, ses policiers ont violé l’art. 3 sur les traitements inhumains et dégradants.
Aveu suivi du versement des indemnités fixées par la Cour à la famille de Lamine.
Pour clore nos poursuites à son encontre, la République française a, par cet acte, admis publiquement que : plusieurs de ses agents, en groupe, ont infligé la mort à un homme non armé qui ne les menaçait pas, et que, pendant 10 ans, plusieurs de ses magistrats ont failli à leur devoir qui était de conduire un procès équitable.
Et dans les faits, ses magistrats ont violé l’art. 6 de la Convention européenne car il n’y a pas eu de procès (violation non retenue par la CEDH).
En parallèle, la République française a aussi publiquement démontré qu’elle n’entend pas punir ses agents meurtriers et défaillants.
Lamine a été lynché par la police, déshumanisé par l’appareil judiciaire, et l’État couvre ses agents : telle est la norme sur le sol français en 2020. Et encore en 2022, car les non-lieux s’accumulent.
Cette règle qui persiste du régime d’exception envers certaines catégories de la population, a une histoire, une dérogation législative démarrée en 1685 avec le Code noir pensé par Colbert, puis avec les Codes de l’indigénat.
Les faits
Lamine avait 25 ans et venait d’acheter une moto neuve pour démarrer le lundi un nouveau travail. La police a saisi la moto et ne l’a jamais restituée.
Dans la nuit du samedi 16 au dimanche 17 juin 2007, il a perdu la vie dans des conditions inhumaines, sous l’acharnement de 8 policiers, appelés pour tapage nocturne.
Lamine a été plaqué face contre terre, chevilles et mains attachées, traîné, plié et écrasé sous le poids cumulé des policiers agenouillés sur son dos, soit environ 300 kg.
Son calvaire a duré 30 minutes, il a rendu son dernier souffle, respirant son vomi, avec un agent appuyé sur sa tête et deux autres pesant sur le torse et les épaules et un quatrième sur les jambes repliées.
Le décès de Lamine est constaté par le médecin du SAMU à 05h15, 1 heure et 15 minutes après le début de l’opération policière (03h59).
Et l’autopsie a précisé que Lamine était déjà mort à 04h29, donc 45 minutes avant que le médecin ne l’examine.
Le 18 juin 2007, la police des polices (IGS) a conclu son enquête préliminaire par une « mort naturelle d’un arrêt cardiaque, qui pourrait être dû à une overdose de cocaïne, cannabis et alcool ». La calomnie venant s’ajouter au meurtre.
Le 22 juin 2007, la famille a déposé une plainte avec constitution de partie civile, conduisant à l’ouverture d’une information judiciaire le 10 juillet 2007.
Et en 2008, les conclusions de la contre-expertise médicale ne laissent planer aucun doute : « mort d’une asphyxie mécanique due à l’appui facial contre le sol avec pression du sommet de la tête dans un contexte toxique. »
Elle a également relevé plus de 30 hématomes profonds sur le corps de Lamine, dont un de 7 cm, sur le cuir chevelu, la tempe, la pommette, le menton, les coudes, les poignets, le dos, le ventre, le bassin, le creux des genoux et les pieds. Des vaisseaux sanguins éclatés dans les yeux (pétéchies conjonctivales), à cause de la clé d’étranglement faite avec la matraque. Une morsure profonde de la langue. Un œdème cérébral important qui a provoqué un engagement cérébelleux (le cerveau qui sort du crâne). La lèvre éclatée et de multiples éraflures, une cyanose des ongles des doigts et des orteils (par manque d’oxygène à cause de la pression sur les poumons et la tête).
Dix ans d’instruction pour s’entendre dire qu’il ne s’est rien passé, qu’il n’y a pas d’éléments matériels suffisants pour poursuivre les tueurs de Lamine.
Selon le magistrat instructeur du dossier, Patrick Gachon, il n’y a rien à reprocher au policier Jean-Wolf Mertens qui a étranglé Lamine avec sa matraque.
Ni à Jean-Benoit Christiaens, Mathieu Escande et Christophe Goblet qui ont pesé de tous leurs poids sur son buste.
Ni à Charly Catalan qui a pesé sur ses jambes repliées jusqu’au bassin. Ni à Morgane Rouxel qui a pressé ses tendons d’Achille.
Ni à Laurence Petiaux qui a assisté à toute la scène sans réagir, pas plus qu’à Julien Parsol qui a simulé un bouche-à-bouche en faisant un tuyau avec ses mains gantées.
Le juge a justifié sa décision par le fait que la technique du plaquage ventral n’est pas interdite en France et que les policiers se voyaient en situation de rébellion face à un homme pourtant déjà à terre à leur arrivée et bien vivant car ils disent qu’il leur a parlé. Rébellion d’un homme dont les quatre membres ont été entravés pendant toute leur intervention.
Chronologie judiciaire
22 juin 2007 : Dépôt de plainte avec constitution de partie civile.
10 juillet 2007 : Ouverture de l’information judiciaire.
2008 : Conclusions de la contre-autopsie.
2009 : Demandes d’actes par la famille, une nouvelle audition des 8 policiers impliqués.
2010 : Les policiers sont placés sous le statut de témoins assistés, leur donnant accès au dossier pour préparer leur défense.
2011 : Refus du juge d’organiser une reconstitution sur la scène de crime, au motif qu’elle ne permettra pas de « restituer l’état d’excitation » de Lamine.
2012 : Confrontation des parties et reconstitution dans le cabinet du juge.
2013 : Refus d’entendre les témoins du meurtre, au motif qu’ils n’apporteront rien de nouveau.
2014 : Après une instruction de 7 ans, le juge d’instruction Patrick Gachon émet une ordonnance de non-lieu pour les 8 policiers mis en cause.
2015 : La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris confirme le non-lieu.
2016 : Attente du pourvoi en Cassation.
24 mai 2017 : Audience devant la Cour de cassation.
21 juin 2017 : Non-lieu confirmé en Cassation.
2018 : Dépôt du dossier à la Cour européenne des droits de l’Homme.
2020 : Victoire historique, par abandon, de l’État français à la CEDH.